Comment expliquer l’attrait des fonds de Private Equity pour la bourse ?

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Les fonds d’investissement sont généralement des structures à taille humaine constituées d’équipes réduites. Pourtant, aux côtés d’une majorité d’acteurs de petite taille, figurent des mastodontes du capital-investissement. Parmi eux, des acteurs européens ont même franchi le cap de l’introduction en Bourse, emboîtant ainsi le pas aux géants américains tels que Blackrock, Blackstone, KKR, Carlyle Group ou encore Apollo Global Management. C’est le cas récemment de BridgePoint (introduit au London Stock Exchange en juillet 2021), d’Antin Infrastructure (introduit sur Euronext en septembre 2021) et d’Audacia (introduit sur Euronext Growth en octobre 2021). Face à cette recrudescence récente des IPO, nous nous sommes intéressés aux changements qu’implique l’introduction en Bourse pour les fonds de Private Equity. Qu’est-ce que les sociétés de gestion tirent de cette ouverture aux marchés financiers ? Quels sont les risques et contraintes auxquels elles s’exposent ?

 

I. Une levée de fonds simplifiée et une contrainte de liquidité maîtrisée par la cotation en bourse

 

A. Une source de financement durable et diversifiée

Tout d’abord, les sociétés de gestion fonctionnent sur des cycles composés de 4 grandes phases : (i) la levée de fonds (ii) la phase d’investissement dans les sociétés (iii) le suivi des participations et enfin (iv) les cessions permettant d’encaisser les plus-values. C’est donc cette première phase de levée si essentielle qui amorce tout le processus et donne la force de frappe au fonds.

Dans ce contexte, les marchés financiers offrent la possibilité de maximiser la levée de fonds. Ils permettent aux fonds de s’émanciper du processus traditionnel de levée, caractérisé par de longues démarches commerciales engagées auprès d’investisseurs institutionnels ou de particuliers fortunés. Ainsi les fonds peuvent atteindre davantage de personnes et notamment les petits porteurs qui ne s’étaient, jusqu’à présent, pas encore tournés vers le Private Equity.

Ces introductions en bourse de fonds de Private Equity ouvrent donc un nouveau champ de possibilités aux particuliers attirés par les rendements proposés par la classe d’actif. En effet, ces IPO permettent de réduire considérablement le ticket d’entrée généralement compris entre 100 000€ et 1 000 000€. C’est notamment l’enthousiasme des petits porteurs qui explique le succès de l’IPO d’EQT Partners en 2019. Le cours de Bourse avait alors crû de 30% lors du premier jour de cotation avec une offre sursouscrite plus de 10 fois.

Pour y voir plus clair, retrouvez notre premier article : Qu’est-ce que le Private Equity ?

 

B. Une plus grande flexibilité dans les cycles de développement du fonds

Si les sociétés de gestion non-côtés conservent généralement leurs participations sur une période de 5 à 7 ans, c’est avant tout pour permettre aux investisseurs, au terme de cette période, d’exercer leur liquidité et donc de toucher les plus-values associées aux investissements réalisés. La cotation en bourse libère donc les acteurs du Private Equity de cet impératif de liquidité. En effet, plutôt que de devoir céder les parts d’une entreprise afin d’apporter de la liquidité aux souscripteurs, la société de gestion pourra garder ses parts plus longtemps. Ce qui permet d’éviter des sorties précipitées et de céder la participation au meilleur moment.

 

C. Les fonds levés sur le marché peuvent permettre à la société de gestion de lancer de nouveaux fonds et de nouveaux projets

A la suite de son IPO, la société de gestion disposera de liquidité lui permettant de développer de nouveaux véhicules d’investissement et de lancer de nouveaux projets.

C’est notamment le cas pour Audacia qui a levé 7,4 Mds€ au cours de son introduction sur Euronext Growth en octobre 2021. La société de gestion indique que ces fonds serviront notamment à la création de véhicules d’investissement innovants dans des secteurs porteurs comme l’industrie spatiale (lancement du fonds Geodesic), le nucléaire nouvelle génération ou encore la bio-transition alimentaire.

Le fonds Tikehau Capital avait, quant à lui, réalisé son introduction en Bourse en 2017 pour arriver à une capitalisation boursière de 1,5 Mds€. Cette opération a notamment permis à la société de gestion de lancer de nouveaux véhicules d’investissement de dette privée et d’immobilier. Tikehau Capital a également pu faire l’acquisition, en décembre 2018, d’ACE Management (structure d’investissement spécialisée dans l’aéronautique et la défense).

 

D. L’IPO reste également un moyen pour les actionnaires historiques d’exercer leur liquidité

L’IPO est l’occasion pour un associé du fonds de céder une partie de ses titres et donc de réaliser une plus-value. Ainsi, lors de l’IPO de BridgePoint, les 166 actionnaires, employés de la société, ont pu revendre une partie de leurs parts pour 380 millions de livres.

 

II. L’IPO, à l’origine de profonds changements

L’introduction en Bourse d’un fonds de Private Equity n’est pas une opération anodine. Elle offre un vrai coup de projecteur sur la société de gestion et son fonctionnement mais entraîne également une vague de changements.

Le fonds gagnera en visibilité et en crédibilité mais devra se conformer aux obligations de communications financières et connaître la pression du marché pouvant résulter sur des fluctuations du cours de bourse.

 

A. Communication financière et obligation de reporting

Comme toute société ouverte aux marchés financiers, les fonds d’investissement cotés doivent se conformer aux règles de transparence et de communication financière imposées par le marché. Établir un reporting régulier, publier ses comptes, répondre aux sollicitations des journalistes sont des exercices chronophages et complexes pour des sociétés de gestion habituées à limiter leurs communications financières.

Les fonds d’investissement sont ainsi amenés à adopter une politique de transparence financière qui contraste avec le milieu très confidentiel du Private Equity.

L’introduction en Bourse lève, par exemple, le voile sur les rémunérations des salariés. Ainsi, les salaires fixes et variables des employés, et notamment des membres du directoire, doivent être partagés dans les rapports annuels. Cette communication financière conduit parfois même à un gel voire une réduction des rémunérations des Partners afin d’arriver à des salaires tolérés par le marché. En cas de baisse de la performance, il apparaît d’autant plus délicat pour une société de gestion de conserver des niveaux de rémunération aussi élevés.

 

B. Une transition couteuse

Comme pour toute société accédant aux marchés financiers, les sociétés de gestions n’échappent pas au coût que représente une IPO, généralement compris entre 5 et 10% du montant total levé. A titre d’exemple l’introduction en Bourse de Blackstone aura entraîné une charge totale de 802,6 millions de dollars sur un trimestre. Cet engagement initial important pourra cependant être amorti sur le long terme en cas de nouvelles augmentations de capital.

 

Conclusion :

Si l’introduction en Bourse des fonds de Private Equity peut offrir de nombreuses opportunités et libérer ces acteurs d’une contrainte de liquidité, le processus d’IPO en impose de nouvelles. Le coût de l’introduction en Bourse, l’obligation de reporting et les risques inhérents au marché action peuvent rebuter certains acteurs à amorcer un processus long et complexe aux multiples répercussions.

Rappelons également que certains fonds, du fait de leurs caractéristiques ou de leur stratégie de développement, ne sont pas amenés à envisager d’introduction en Bourse. C’est notamment le cas des fonds adossés à des acteurs financiers importants (banques ou grandes entreprises, États, caisse des dépôts ou encore assurances). Une introduction en Bourse ne semble pas non plus nécessaire lorsque les actionnaires du fonds se satisfont du rythme de croissance, du montant des levées et souhaitent conserver leurs parts dans la société de gestion sans risquer de bouleverser le fonctionnement de la structure.

 

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