Interview d’un Directeur en Restructuring chez Grant Thornton

Nous avons eu l’opportunité d’échanger avec Antoine de Chomereau, directeur en Restructuring chez Grant Thornthon à Paris. Il nous a donné sa vision du métier et ses conseils pour les juniors intéressés par le conseil en restructuration.

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1. Pourrais-tu te présenter et nous partager ton parcours ?

Diplômé d’un master CCA et d’un DSCG, j’ai réalisé l’ensemble de mon parcours professionnel chez Grant Thornton. Après quelques années en Audit, puis en Transaction Services, j’ai rejoint le département « Prévention & Restructuration » il y a 6 ans.

2. Qu’est-ce que le restructuring ?

Le restructuring consiste à accompagner les entreprises qui font face à des difficultés structurelles ou conjoncturelles conduisant à des problèmes de trésorerie. Les conseils (avocats, métiers du chiffre) recherchent, aux côtés des actionnaires et dirigeants, à mettre en place des solutions pérennes leur permettant de surmonter les difficultés. Cela passe le plus souvent par des efforts consentis par les parties prenantes (notamment les créanciers) après une phase de négociation.

Pour cela la société doit d’abord se protéger en ayant recours à des procédures adaptées à l’urgence de la situation (des procédures à l’amiable ou des procédures judiciaires), et ainsi obtenir du temps et des moyens pour préparer sa restructuration.

Dans ce contexte, l’équipe de Restructuring élabore un rapport d’IBR (« Independent Business Review »). Ce document présente la société, ses performances historiques et ses perspectives. Pour résumer, ce document doit atteindre plusieurs objectifs :

  • Participer au rétablissement de la confiance entre les différentes parties. Pour cela l’IBR détaille de manière transparence l’état de la société et l’origine des difficultés. Il doit également donner du crédit dans les perspectives.
  • Identifier l’ampleur des problèmes auxquels le débiteur fait face. Puis qualifier ses besoins de trésorerie via l’établissement ou l’analyse des prévisions d’exploitation et de trésorerie.

À l’issue de ce diagnostic les équipes participent activement, aux côtés des autres conseils, à l’élaboration de solutions acceptables par toutes parties prenantes et permettant d’assurer la pérennité de la société.

3. Quel est le processus typique d’un mandat de restructuring et globalement quelles sont les grandes lignes d’un plan de restructuration réussie ?

Le processus de restructuring débute généralement par un diagnostic approfondi de la situation de l’entreprise. Ce diagnostic est réalisé conjointement par la société et ses conseillers. Sur la base de ce diagnostic, une proposition de restructuration adaptée est formulée et présentée aux créanciers.

S’ensuit alors une phase cruciale de négociation entre le débiteur et les autres parties prenantes. L’objectif étant d’aboutir à un accord qui soit à la fois viable pour l’entreprise et équilibré pour l’ensemble des créanciers.

4. Quelles sont tes missions dans le cadre de ce processus ?

Dans ce cadre nous réalisons des missions variées en fonction du contexte :

  • La réalisation des IBR ;
  • L’accompagnement de sociétés dans le cadre de procédures collectives ;
  • La réalisation des missions de transaction distress qui consistent notamment à accompagner des candidats à la reprise de sociétés « à la barre du tribunal ».

5. Quels sont les principaux défis que vous rencontrez lors de la mise en place d’un plan de restructuring financier ?

Lors de la mise en place d’un plan de restructuration financière, le principal défi est de parvenir à atteindre nos objectifs en conservant notre indépendance dans un contexte parfois tendu. Par ailleurs, lorsqu’une entreprise est en difficulté, la qualité de l’information financière n’est pas toujours sa priorité, ce qui rend notre tâche délicate.

Poser le bon diagnostic, celui qui adresse les vrais problèmes de notre client et qui fait consensus, est primordial. C’est ainsi que nous aboutissons à des solutions adéquates et pouvons aborder les phases de négociation sereinement.

Enfin, l’élaboration d’une solution qui soit à la fois consensuelle, réaliste, précise et qui serve au mieux les intérêts de l’entreprise est un défi de taille.

6. Qu’est-ce qui te plaît dans ce métier ? Et à l’inverse, qu’est-ce qui te plait moins ?

C’est ce rôle de conseil que nous jouons auprès des dirigeants et des actionnaires qui me passionne dans ce métier. Être en position d’accompagnement, de soutien et surtout de porteur de solutions est extrêmement valorisant. Contrairement à d’autres professions du chiffre, les équipes de restructuration bénéficient d’une écoute attentive de la part des dirigeants, ce qui renforce l’importance de notre rôle et les responsabilités qui en découlent.

Nous ne nous contentons pas de réaliser un diagnostic. Nous sommes intimement impliqués dans l’élaboration de solutions et donc dans les accords finalement établis.

Cet aspect très gratifiant, induit cependant une charge horaire importante car il requiert une implication forte dans la vie de l’entreprise. Par ailleurs, les équipes de restructuring doivent faire preuve de beaucoup de flexibilité et d’adaptabilité car elles sont amenées à traiter des situations délicates dans un contexte d’urgence et parfois avec une information qui peut être dégradée ou incomplète.

7. Quelles sont les tâches d’un stagiaire ou d’un junior en restructuring ?

Les stagiaires et juniors en restructuring sont, de fait, des acteurs à part entière des dossiers. Ils réalisent des analyses complètes et échangent parfois directement avec les clients. Ils sont accompagnés et formés par nos équipes quotidiennement.

Ces dernières années, plus de 80% des stagiaires de mon équipe ont été recrutés en CDI. Ils font donc l’objet de beaucoup d’attention, de formation, et d’un management de proximité sur les missions.

8. Selon toi, quels sont les avantages du restructuring en début de carrière comparativement au Transaction Services ou au M&A ? 

Le restructuring présente plusieurs spécificités qui le distinguent et le rendent particulièrement enrichissant en début de carrière :

  • Tout d’abord, travailler en restructuring offre la possibilité d’évoluer dans un environnement complexe et stimulant. Le consultant est véritablement plongé au cœur des négociations liées à la restructuration financière, ce qui permet de développer une grande résilience et adaptabilité.
  • De plus, cette fonction offre l’opportunité de comprendre en profondeur la structure de financement des entreprises. Le consultant renforce ses compétences en modélisation et en élaboration de prévisions de trésorerie, des aptitudes essentielles pour toute carrière en finance.
  • Enfin, le restructuring permet d’acquérir une double compétence juridique et financière grâce à une grande variété de missions : IBR, procédures collectives, reprise à la barre…

9. Quels sont les débouchés classiques après une expérience en restructuring ?

Après une expérience en restructuring, plusieurs voies s’ouvrent aux collaborateurs. Parmi les orientations les plus courantes, on retrouve :

  • Des postes au sein de fonds d’investissement, notamment dans le Private Equity ou des fonds spécialisés dans le retournement d’entreprises.
  • Des fonctions en direction financière, où l’expertise acquise en matière de restructuration est particulièrement valorisée et pertinente.
  • De plus, une tendance croissante est observée parmi les collaborateurs qui choisissent la voie de l’entrepreneuriat, créant ainsi leurs propres entreprises ou s’impliquent dans des start ups.

10. As-tu des conseils pour un junior intéressé par le restructuring ?

Lorsqu’un junior s’intéresse au restructuring, plusieurs aspects sont cruciaux pour se démarquer. Concernant le CV, il est fondamental de proposer une narration cohérente du parcours qui traduit une inclinaison naturelle vers le restructuring. De plus, avoir des expériences en audit, Transaction Services ou dans des fonds ajoute de la valeur, témoignant d’une familiarité avec la finance d’entreprise.

Quant à la préparation des entretiens, la connaissance des actualités du métier est essentielle. Le restructuring étant une discipline relativement confidentielle, nous attendons des candidats qu’ils soient informés des tendances et des enjeux actuels. On souhaite aussi qu’ils puissent expliquer leur motivation et le cheminement qui les a menés vers la restructuration financière. Les candidats doivent être prêts à partager cette démarche de manière détaillée.

Enfin, sur les compétences clés à avoir et à démontrer, au-delà des connaissances techniques, c’est l’enthousiasme pour les défis propres au restructuring qui prime. Il est essentiel de démontrer une solide compréhension des enjeux actuels du métier. Bien que certains candidats puissent avoir des profils similaires à ceux du Transaction Services, ce qui les différencie réellement c’est leur enthousiasme pour le restructuring et leur aptitude à le communiquer lors des entretiens.

 

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